L’année dernière fut la sixième plus chaude depuis 1860 et pourtant au vu des premières analyses des scientifiques du Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’Environnement de Grenoble (LGGE), les glaciers des Alpes auraient enrayé leur recul.
Certains, pour la première fois depuis les années 90, ont repris du volume, marquant une pause dans leur cure d’amincissement en contexte de réchauffement climatique. L’observation porte sur plusieurs glaciers du massif du Mont-Blanc et de la Vanoise, le traitement des données concernant les Grandes Rousses ne sont pas encore finalisées. « L’année 2013 a été particulière avec un bilan de masse moins négatif que les autres années», explique Christian Vincent, ingénieur de recherche CNRS au LGGE. Mieux le glacier de Tête Rousse à Saint-Gervais, suivi de près en raison de sa poche d’eau et de ses conséquences pour la sécurité de zones habitées, a même gagné en épaisseur avec un bilan de masse positif alors qu’Argentière ou Gébroulaz, en Vanoise, n’ont perdu que 40 cm.
Tête Rousse et le glacier Blanc gagnent en volume
« De même les fronts ont beaucoup moins reculé », précise Christian Vincent. Le glacier des Bossons, sous le mont Blanc où les chercheurs d’épaves se ruent, plusieurs décennies après deux catastrophes aériennes, est resté stable, tout comme la mer de Glace qui lui a tout de même perdu 1,5m d’épaisseur sur sa surface moyenne globale. Argentière a lui rétréci de 14m de front, mais c’est moitié moins que la moyenne annuelle enregistrée depuis 20 ans (20 à 30 m). Un constat plus heureux encore a été dressé dans l’Oisans au glacier Blanc, le plus grand des Alpes du sud. Les mesures effectuées par le Parc national ont montré que pour la troisième fois depuis 14 ans, le bilan annuel était positif. Après l’année record de 2001 avec un bilan excédentaire de 115 cm d’eau, puis en 2008 avec 21 cm, c’est 35 cm d’équivalence en eau que le glacier gagne cette année, alors que l’accumulation de neige a été d’un tiers supérieure à la moyenne.
Plus de neige moins de fonte
Il y a deux explications à ce phénomène ponctuel, l’année dernière. Tout d’abord l’enneigement hivernal, conséquent, prolongé et tardif. « C’est l’un des cinq plus fournis depuis 30 ans, dans les Alpes du Nord», estime Cécile Coléou au Centre d’études de la neige de Météo France à Saint-Martin d’Hères. «Surtout il a continué à neiger à une période où les glaciers entament leur fonte, en juin». On a relevé 1,5m d’eau à 2750m d’altitude. «Et puis surtout si les températures moyennes étalées sur l’année ont été douces ou chaudes, il n’y a pas eu de pic prolongé entre juin et septembre, les mois de fonte», explique Christian Vincent. Les glaciers se régénèrent et se nourrissent des précipitations. L’hiver précédent déjà bien enneigé avait déjà permis de constituer un stock protecteur pour la glace contre l’énergie solaire. Pour autant, cette année 2013, relativement bonne pour les géants alpins, ne permet pas de dessiner une tendance de fond. Depuis 1994, la mer de Glace, plus grand glacier français a vu sa langue terminale reculer de près de 650m. Un répit donc dans une période de régression qui demeure durable.